Histoire

Histoire du Chateau Florian

Un peu d’archi-tecture

Florian le fabuliste

C’est en 1542 que l’histoire du château de Brailly-Cornehotte semble commencer avec la figure d’Antoine de Buigny, seigneur de Brailly et lieutenant sénéchal de Ponthieu. Son descendant, Jean-François, comte de Buigny (mort en 1773), fut mousquetaire du roi Louis XV et capitaine de cavalerie.

Antoine-Joseph de Maisniel de Brailly (né en 1737), sieur de Boufflers, gouverneur de Crécy, capitaine au régiment du Hainaut, chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis, épouse Alexandrine, fille de Jean-François de Buigny et rentre ainsi dans l’histoire du château. Alors qu’ils résidaient ordinairement à Abbeville, ce sont eux qui se sont attelés à la reconstruction du château de Brailly-Cornehotte. 

Les initiales de ce couple figurent toujours sur les boiseries d’origine dans la chambre dite de Florian.


Antoine-Joseph et Alexandrine du Maisniel rési-
daient ordinairement à Abbeville, paroisse Saint-Gilles,
où ils firent baptiser un fils en 1779. Amateurs d’art et
de musique, ils firent embellir les salons de leur hôtel 2
et entreprirent la reconstruction de leur château de
Brailly. Ils durent consacrer à ces travaux des sommes
importantes, puisqu’en dépit d’une aisance certaine 3,
Rose Bertin, modiste fort appréciée de la reine Marie-
Antoinette et de la Cour, les aida financièrement dans
les dernières années de l’Ancien Régime.


Après leur émigration durant de la Terreur qui s’abattait sur la France, le couple est revenu s’installer à Brailly-Cornehotte sous le Directoire, période plus propice aux sphères aristocratiques. Antoine-Joseph de Maisniel de Brailly fut maire de Brailly de 1807 à sa mort en 1822. 

Les travaux du chateau purent alors être terminés comme l’atteste une plaque laissée par un artisan sous le plancher de la rotonde, en 1811.

Petit-fils d’Antoine-Joseph de Maisniel, François-Charles Drillet de Lannigou devint maire suite au décès de son ailleuil en 1822. Il est resté dans la commune de Brailly jusqu’à sa mort en 1891. 

À sa mort en 1891, le domaine a été mis en vente et acquis par le comte Le Bas du Plessis et son épouse. À leur tour, ils ont remanié le château. Diverses ventes se sont enchaînées par la suite, faisant passer le château de mains tantôt nobles, tantôt bourgeoises.

Bien qu’il réussisse à être épargné lors de la Grande Guerre, le château a été pillé par les troupes ennemies lors de la Seconde Guerre Mondiale.

En 1947, le vicomte Raymond de Chabot-Tramecourt achète le château et décide de restaurer cette bâtisse chargée d’une histoire de quatre siècles.

Dans les années 2000, un incendie a ravagé l’aile gauche du château, aile qui d’ailleurs n’était pas dans la construction initiale.

En 2021, la famille Lebreton entre en possession de la demeure et décide alors de lui redonner vie en la modernisant, faisant ainsi entrer le lieu dans l’ère contemporaine, tout en lui conservant son cachet d’antan.

LES EXTÉRIEURS

Depuis le XVe siècle, les demeures picardes sont parées de briques rouges et de pierres blanches dont le premier ouvrage est le château de Rambures. Les châteaux en brique et pierre ont connu une certaine vogue au début du XVIIe siècle en Île-de-France. Toutefois, c’est au XVIIIe siècle que ce type d’architecture a connu ses heures de gloire en Picardie, l’harmonie rouge et blanche a persisté dans la région tout en continuant de suivre les grands mouvements architecturaux français. On dénombre dans la région près d’une quarantaine de château dans cette harmonie pour le XVIIIe siècle, dont dix-huit existent encore. Cette mode classique se termine avec l’avènement du Néoclassicisme en Picardie à la toute fin du XVIIIe siècle (l’exemple le plus tardif est le château de Flixecourt).

Le château actuel de Brailly-Cornehotte est une illustration de cette mode lors de la pénétration du goût néoclassique dans la région Picarde.

Le château présente un plan traditionnel, hérité du siècle précédent, composé d’un corps de logis flanqué de courtes ailes en retour d’équerre avec des chaînages en harpe de pierres se détachant sur les murs de brique. Le tout est recouvert de toits en ardoise. L’inspiration antique dans la décoration architecturale est typique de la seconde moitié du XVIIIe siècle, notamment grâce aux découvertes de certaines sites archéologiques romains (Herculanum en 1738 et Pompéi une décennie plus tard).

Le côté cour (ouest) présente un avant-corps à trois étages surmontés dont un attique tout en pierre. La façade présente un décor central en pierre blanche ornée de grands motifs Louis XVI. Au rez-de-chaussée, de grandes niches creusées dans l’appareillage à refends, sont ornées d’amphores inspirées de l’antiquité pompéienne. À l’étage, de part et d’autre de la fenêtre centrale, deux groupes de putti se détachent sur des tables de pierre couronnées de lourdes guirlandes : le groupe de gauche illustre les moissons et la guerre tandis que celui de droite illustre la musique et les arts. Des ouvrages attribuent ces deux sculptures au baron de Pfaffenhofen, ancien officier autrichien s’étant retiré à Saint-Riquier et Abbeville pour devenir sculpteur. 

Ce sont ces sculptures remarquables qui ont contribué à ce que le château soit inscrit en 1926 à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques.

Conformément aux préconisations des architectes et théoriciens du XVIIIè siècle (Germain Boffrand, Chrales-Étienne Briseux..) la façade sur jardin est plus sobre. Elle présente alors quatre beaux pilastres monumentaux à chapiteaux ioniques qui rythment un avant-corps demi-circulaire et qui portent une corniche à denticules séparant l’étage de l’attique. Des sculptures se trouvent à cet étage, représentant des serpents entourant un globe. 

Les propriétaires terriens, surtout aristocrates, étaient très attachés à la tradition versaillaise des jardins à la française inaugurée par Le Notre sous Louis XIV (1643-1715). C’est donc tout naturellement que la demeure ouvre un jardin à la française dessiné par le paysagiste Jacques de Wailly. 

La tradition attribue ce château au fameux architecte Jacques-Ange Gabriel mais rien ne permet de certifier cette information. Des sources plus récentes préfèrent l’attribuer à l’architecte parisien Jean-Charles Caron et à l’entrepreneur picard Jumel-Riquier qui travaillaient à Abbeville dans les années 1780 pour les familles notables de la ville.

Par rapport aux nombreux châteaux « brique et pierre » encore présents dans l’ouest de la Somme, probablement un par village, celui de Brailly se distingue par deux spécificités ; d’une part les 3 niveaux, 2 étant plutôt la norme, mais aussi par ses deux façades nobles, qui lui confèrent beaucoup de cachet.

L’INTÉRIEUR

À l’intérieur, le château est un parfait exemple des réflexions développées à propos de la distribution des grandes demeures au cours du XVIIIè siècle à partir du modèle développé par Louis Le Vau au château de Vaux-le-Vicomte entre 1656 et 1661. L’agencement des espaces mêle dès lors la convenance des étiquettes héritée de la cour de Louis XIV avec les commodités et la légèreté du mode de vie des aristocrates du Siècle des Lumières. 

Le château s’ouvre sur un vestibule ovale précède le grand salon de réception, également ovale Les belles boiseries en vert d’eau rechampi développent des motifs Louis XVI de pilastres, tables d’architectes vierges et médaillons à guirlandes de fleurs…

Le parquet en rose des vents, marqueté, ainsi qu’une grande cheminée, surmontée d’une glace royale, légèrement cintrée épousent la forme de la pièce.

Le salon de Brailly a réuni de nombreux artistes et grands esprits tels que le musicien Le Sueur, le frère d’André Chenier, le président astronome Bochard de Saron mais le plus célèbre était le fabuliste JEAN-PIERRE CLARIS DE FLORIAN (1755-1794). Il a réalisé de nombreux séjours assez longs au château de Brailly-Cornehotte.

Une chambre porte d’ailleurs son nom, c’est aussi celle dans laquelle on trouve les 4 initiales du couple du Maisniel.

L’environnement paisible du chateau, on peut l’imaginer, l’aura inspiré pour écrire certaines de ses fables moins connues que celle de l’illustre La Fontaine, mais dont certaines ont laissé des maximes passées à la postérité :

Dans la vie, sans un peu de travail, on a point de plaisir
Pour vivre heureux vivons cachés
Chacun son métier et les vaches seront bien gardées
Chagrin d’amour dure toute la vie

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Sources : 

  • Josiane Sartre, Châteaux « brique et pierre » en Picardie. Quatre siècles d’architecture, Nouvelles Éditions Latines (nouvelle édition augmentée), 2012.
  • Philippe Seydoux, Gentilhommières en Picardie. Ponthieu et Vimeu, Éditions de la Morande, 2002.
  • Vieilles Maisons Françaises, « Somme », n°119, octobre 1987, pp.40-47.
  • Les châteaux entr’ouverts, Environs d’Abbeville, Librairie P. Duclercq, 1936.
  • Arrêté de classement du 18 mai 1926, Archives de monuments historique de la Somme
photo début XXème siècle, Rotonde
Jacque Ange Gabriel aurait été l’architecte du chateau
Plaque retrouvée lors de la réfection du plancher de la Rotonde, posée par les artisans qui ont fait le plancher d’origine
Façade avant et sculptures réalisées par le baron de Pfaffenhofen, qui ont contribué au classement ISMH du chateau
Façade avant et sculptures réalisées par le baron de Pfaffenhofen, qui ont contribué au classement ISMH du chateau

En 2021 Le Chateau Florian a de nouveau été restauré :

Toutes les peintures intérieures ont été refaites

Les planchers ont été rénovés ou refaits à neuf

Les communs ont été transformés afin d’accueillir du public

L’assainissement a été revu, tout comme les évacuations d’eau

L’électricité mise aux normes

L’aménagement intérieur refait

Un nouveau mobilier est en place

Pour autant le chateau est préservé dans l’esprit de son époque, tant que faire se peut !

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